« L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert » Alfred de Musset.
Citation postée par un ami lecteur, ami tout court, et qui correspond tout à fait à mon état d’esprit pour vous conter ma journée dédicace à Cogolin.
Je ne suis qu’une apprentie auteure, j’écris, j’illustre dans la douleur et la solitude et j’ai appris la souffrance de dédicacer masquée… Une nouveauté et quelle galère !
Dès mon arrivée à l’Espace Culturel, je commence à pester contre ce masque qui me fait loucher. Ensuite il me fait légèrement larmoyer par les efforts à empiler mes livres puis à les présenter suivant un plan bien précis : « premières lectures » à ma gauche, les adultes à ma droite et « Gustave » littérature ado au centre.
Séquence émotion : Je n’ai pas encore la satisfaction de la perfection, qu’aucun livre ne dépasse… que déjà Anna une adorable jeune fille s’avance vers moi, soulève « Lettre à pépé Charles » et me dit « c’est fou ce que cette couverture m’attire » et d’un joli sourire qui lui éclaire le visage que l’on devine sous le masque, m’annonce « je le prends, je le prends… je ne peux pas faire autrement ». Nous discutons et d’un mot à l’autre j’apprends qu’elle veut être professeur de français, qu’elle adore écrire… nos prénoms sont-ils prédestinés à cela ? J’aime à le croire. Étudiante à Limoges, en vacances chez sa grand-mère, le hasard est mon allié car elle ne devait pas passer par là, elle repart le lendemain et elle choisit en plus « La Miraculée » en coup de cœur. Elle me promet de me donner de ses nouvelles et s’en va. Le masque me gêne de plus en plus, discrètement je le baisse dès que personne ne me voit… et hop j’avale une longue gorgée d’eau glacée pour pouvoir parler distinctement, il est hors de question que le masque me baillonne. Quelques visiteurs, quelques échanges difficiles au cours desquels, il me faut répéter. Je ris avec Marie car elle me fait remarquer que le masque nous rend sourdes toutes les deux. Pareil, échange à bâtons rompus, nous nous trouvons de nombreux points communs, échangeons nos numéros de téléphone et elle me dit « à présent je me fais plaisir, je ne pense qu’à moi » et repart avec « À l’assaut du bonheur » et « La Miraculée ». Une adolescente s’approche de moi, me dit les yeux brillants « je lis beaucoup ». Je lui présente « Gustave » et hop l’emporte. Un monsieur âgé m’observe un peu en retrait puis il s’approche, se présente : je suis un Belge de Gand, auteur de BD et je suis édité par une maison d’édition parisienne. Sa BD est sur le thème du vélo. Un thème très en vogue. Il choisit « Gustave » pour ses deux petits-fils jumeaux Jack et Léon de la part de Bon-Papa. N’est-ce pas magnifique d’appeler son grand-père bon-papa ? Pour moi c’est bon comme du bon pain. Je lui avoue que je suis admirative car je serais bien incapable d’écrire une BD alors que j’en meurs d’envie. Il prend « Gracieuse et Panache sont amis » (pour les 6/8ans), le feuillette et me dit « c’est pour moi, je m’appelle Guido (guido/guidon/vélo sa BD, je m’abstiens par respect de faire un jeu de mots). Votre livre c’est presque comme une BD, je veux le lire, il m’intéresse »… J’étais sans voix, le masque pour le coup n’y était pour rien. Blandine, une femme médecin, nous avons beaucoup échangé autour de « La Miraculée » et a choisi pour Cyrielle « Gustave ».
Un bel échange intelligent et amusant avec Dune et Ralia. Elles sont reparties avec deux Gracieuse et Panache… Un peu de calme, je baisse discrètement mon masque qui commence à être humide. Je n’en ai pas d’autre. J’étais très mal à l’aise.
Séquence tension émotionnelle : Raphaëlle une gamine pétillante, de magnifiques yeux bleus et d’une vivacité impressionnante. Elle me pose des tas de question, feuillette tous les livres. Elle est accompagnée de sa maman qui me confirme que c’est tout le temps comme ça. Elle m’a rappelé qu’à son âge j’étais curieuse de tout. D’un seul coup, un éclair passe dans son regard et elle explose « pourquoi je n’ai pas de papa moi, même mes copines à l’école se moquent de moi et elles me disent, il est où ton papa, il est mort ? Pourquoi je n’ai pas de papa, moi » ? J’ai été très émue (moi qui adorait mon père), que répondre ? Pourquoi s’adresse-t-elle, dans son désarroi, à moi, qu’elle ne connaît pas ? Sa maman aussi est très gênée et émue… J’ai essayé du mieux que j’ai pu de la consoler en lui disant qu’elle a beaucoup de chance d’avoir une si gentille maman, qui l’habille comme une jolie princesse, lui achète ses plaisirs, comme là un livre. J’ai détourné son attention en lui présentant « Gustave ». Elle a retrouvé entrain et sourire.
Nonobstant, j’ai le cœur lourd, en me demandant qu’allait devenir notre société avec la GPA pour tous, et bientôt (lu sur Internet) la ROPA (réception d’Ovocytes de la partenaire) permettant à une femme de donner à sa partenaire un ovocyte qu’elle portera dans son utérus : ce qu’on appelle un don dirigé. Ce qui fera qu’un enfant, né par une PMA de lesbiennes, n’aura pas de père mais aura deux mères. Amendement adopté en commission spéciale (profitant de la Covid où tout le monde a le regard tourné sur la maladie) et qui risque d’être voté par l’Assemblée plénière en septembre. Je ne sais pas si c’est le cas de Gabrielle, je me suis gardée d’être indiscrète et je ne porte aucun jugement mais j’ai entendu la souffrance de cette gamine sans père. C’est cela que nous voulons pour notre société future ?
Ma journée dédicace s’est terminée sur cette note triste. Le port du masque a été une véritable torture et le retour a duré deux bonnes heures pour faire les 38 kms qui me séparaient de chez moi. Ainsi va la vie !