"Le jardin, c'est de la philosophie rendue visible" de Erik Orsenna
Les beaux jours me voient toujours, accroupie, les mains dans la terre ; les petits vers mis à nu frétillent et les petits oiseaux volettent autour de moi, guettant la bonne chère.
Mon jardin cohabite avec les liserons, les herbes folles, les fleurettes blanches ou fleur d’ail sauvage, les marguerites jaunes, quelques iris d’un bleu mauve suave. Enfin c’est un peu du style « jardin de curé ». J’aime bien cette déraison, cette liberté. Et puis, peut-on maîtriser la nature et ses herbes folles ? Elles se propagent plus vite que notre ardeur à les éradiquer. La loi de la Vie !
L’épicurienne que je suis a donc commencé ses plantations. L’émotion est renouvelée de mois en mois et d’année en année. Les questionnements foisonnent. Est-ce comme cela que l’on s’y prend ? Est-ce que ça va pousser ? Est-ce que j’ai mis la bonne terre ? L’ai-je bien préparée ? Au bon endroit ? Soleil, mi ombre … Je lis et relis les instructions, pas très explicites à mon goût, du petit sachet d’emballage des graines.
À partir de ce moment-là, tous les matins, à peine un pied à terre, je jette un œil furtif sur les grandes lignes désherbées, légèrement sinueuses, parce que moi le cordeau je ne connais pas et puis très sincèrement je ne suis pas « regardante ».
Puis ma première tasse de café à la main, je cours scruter avec avidité le premier point vert qui va affleurer au sol. La patience n’est pas une de mes vertus.
Puis un matin, ça y est ! Un coucou feuillu me fait signe, puis un autre, puis un autre. Mes fèves poussent gaillardement, mes capucines ont donné un feuillage vert mais point de fleurs à l’horizon. Quelques minuscules tomates ont besoin d’un tuteur. Quelques bambous feront l’affaire.
Je pousse un ouf de soulagement et de contentement. Encore cette fois ça a marché ! Mais pourquoi cela n’aurait-il pas marché ? Quand on y met toute sa sensibilité et son cœur, quand tous les matins on vient leur parler, quand la pluie, offrande de la nature, joue l’alternance avec le soleil, le résultat est garanti.
Et si Jean de La Fontaine m’avait influencée lorsque petite je récitais « Le Laboureur et ses enfants » : Travaillez, prenez de la peine, c’est le fonds qui manque le moins.?
Cet été petits et grands vont réjouir leurs papilles avec les trésors de mamie.