L'été est encore là, bien installé sur nos plages. Le ciel étend son beau voile bleu, la mer scintille sans sourciller et le soleil darde de toutes ses forces pour nous intimider. Aussi, comme l'été n'est pas prêt à décamper, les retraités non plus. J'observe, un peu en retrait sur mon petit carré de sable, un large groupe d'hommes et de femmes assis en rond sur des petites chaises pliantes et à l'abri de plusieurs parasols. Des retraités profitant de l'arrière saison. On les entend jurer, crier, rire et battre les cartes. La scène de Marcel Pagnol revisitée. Je ne peux m'empêcher de me dire "En voilà qui se la coule douce. Ils ne sont pas malheureux tout de même nos retraités ! Puis comme pour me contredire, la série de doléances des uns et des autres couvre les rires et le froissement des cartes qu'ils triturent sans ménagement. Les uns racontent leurs enfants au chômage, d'autres la maladie du petit dernier, les rhumatismes, le cholestérol... S'enchaîne très rapidement l'augmentation du coût de la vie, du gaz, des légumes et même des cotons tige. Ah bon même les cotons tiges ? Mais oui ... et de partir sur des précisions chiffrées. J'te parle même pas de la baguette ! Le plus âgé de tous, semble-t-il, prend la parole sur un ton très solennel : mais attendez vous n'avez encore rien vu ! Oh toi le pessimiste ! Le pessimiste moi ? Tu n'as pas entendu ce matin, ils se sont dépêchés de faire de beaux schémas pour nous prouver que nous les retraités on est riche et on doit "casquer". Non pas possible, explique-toi mieux ! Ils nous ont expliqué que du temps de Giscard, t'imagine ils sont remontés à Giscard, lui qui fricotait avec les princesses comme s'il avait le temps de s'occuper des retraités. Eh bien un ministre de Giscard a fait une loi pour aider les retraités qui à l'époque partaient à la retraite avec un salaire de misère. Depuis cette loi n'a pas été abrogée et maintenant zoum on rectifie le tir. Bien fait pour toi lui répond sa femme, t'avez qu'à pas voter pour l'autre naze ! Et si tu crois qu'avec l'autre fou furieux ç'aurait été mieux ? Et vous imaginez si c'était DSK dit une petite voix fluette ? Oh la la mon Dieu m'en parle pas, j'en ai des frissons. Pourquoi ma chérie tu en as des frissons, il te faisait du charme ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Il parait qu'il a déjà remplacé Anne Sinclair. Ah je vois, tu as encore acheté tes magazines à popotin. À potin ! Oui au moins je suis au courant de tout. Et tu as vu la princesse des anglais, avec ses seins nus, comment c'est déjà son nom ? Kate ! tu vois toi tu retiens le nom des dames. Elle est belle hein ! Tu salivais le jour de ses noces devant la télé. Fallait le voir, il l'imaginait dans son lit reprit sa femme en pouffant de rire. Les hommes tous les mêmes ! Et vous les femmes à vous pâmer devant l'autre danseur qui se touchait tout le temps son sexe. À sa mort toutes les nanas pleuraient comme des madeleines. Des éclats de rire fusaient dans tous les sens. Tout le monde parlait en même temps ! Tout Gala, tout Voici, tout Paris Match, sans oublier la poitrine proéminente de Paméla Anderson, y passèrent, les déviant complètement du motif de leur mécontentement. C'était à croire qu'ils n'avaient pas envie de gâcher une belle journée d'été, une belle partie de cartes et tout à l'heure un bon apéritif pour des histoires de gros sous.
Ils ont été les fourmis d'hier, travaillant, suant, épargnant et ils paieront pour les cigales d'aujourd'hui !