« Vivre avec sa conscience, c’est comme conduire avec le frein à main. » de Budd Schulberg.
Ce matin j'ai décidé de faire une pause. Pas d'avancée dans l’écriture de mon roman. Trop fatiguée. Pas de peinture, mes pinceaux sont secs. Pas de cuisine. Des hauts le cœur à la moindre odeur. Pas de ménage. Pas. Pas. Pas …. Alors quoi ?
Lire pour prendre des nouvelles de la société. Et me voilà donc propulsée dans un monde qui me semble soudain bien étranger.
Je fais défiler les titres et mes yeux n’en croient pas leurs oreilles :
- Un bébé de trois ans erre tout seul dans un parking, tétine à la bouche, pendant que sa mère est partie s'amuser. Pour toute explication : le couple de parents s'était disputé, le père a claqué la porte et la mère ne voulant pas être "la sacrifiée" en a fait tout autant !!! Deux enfants de 1 an et de 3 ans abandonnés sans aucun remords, ni aucune prise de conscience.
- Un bébé de trois ans veille sur sa maman décédée d'une rupture d'anévrisme. Depuis combien de temps ? Une semaine ? Plusieurs jours ? L'indifférence totale entourait cette jeune femme. Le grand-père, suite à un appel téléphonique d'une amie, découvre tardivement la mise en scène macabre. Il a fort heureusement recueilli l'enfant. Celui-ci aura-t-il conscience de ce qu’il a vécu ?
- Un père jette au sol son bébé de huit mois et par deux fois ! Il est mort, pas le père qui ne l’aurait pas volé mais le pauvre petit chou. Derrière les barreaux prendra-t-il conscience de la gravité de son acte ou se trouvera-t-il des « consciences » atténuées ?
- Un adolescent viole sa sœur de 8 ans. A-t-il conscience de l’avenir qui l’attend ?
- Un violeur arrêté après plusieurs viols dans des campings. Un récidiviste qui a la conscience de se croire invincible !
Je cherche un peu plus loin pour m’affranchir du sordide, pour ne pas perdre ma conscience. Je serre un peu plus le frein à main et j’analyse :
- Quelques râleurs s’en prennent au Président FH parti en vacances au bout de trois mois d’exercice et aux frais de la princesse. C’est vrai que pour avoir droit aux congés payés il faut avoir travaillé du 1er juin 2011 au 31 mai 2012. Or notre président était en campagne. Il a mouillé sa chemise et ON l’a élu, eh bien il prend des congés payés pendant qu’un français sur deux reste à la maison faute de moyens ! Le pauvre président a interrompu son repos non mérité pour rendre hommage au Major tué en Afghanistan. Ouf l’honneur est sauf ! Enfin presque. Acte conscient ou coup de pub?
Les sondages eux aussi sont des plus désopilants : 54% des français sont déçus de leur nouveau président et dans le même temps, paradoxe bien français, 57% estiment que le dit président tient ses engagements de campagne, à l’exception de quelques détails … reportés à plus tard … Mais je cherche à me rappeler ce qu’il avait promis ? Pas grand-chose ! La conjoncture ou la conscience de son impuissance ? Joker !
- Le juge Courroye. MUTÉ ! De toute urgence ! Pendant qu’il était en vacances ! Le pauvre ! Moi j’espère qu’il a conscience qu’il a quand même de la chance … d’être fonctionnaire. Parce que dans le civil, il aurait été obligé d’aller pointer au chômage. C’est ainsi quand on ne plait plus ! Mais non ! ON se dépêche de lui donner un poste. Pas au fin fond d’une province reculée et obscure, non ! Au Parquet Général de Paris. Zut ! Il voulait lancer sa carrière d’avocat (encore un), devinez où ? À Paris ! Il ne pourra pas ! Conscience absolue !
Je continue à chercher et que lis-je en éclatant de rire (ça décomplexe) ?
« Google continue de verser aux employés leur salaire après leur décès, et ce pendant dix ans !!! »
Je pensais à une plaisanterie ou à un sarcasme. Pas du tout. Je persévère donc dans ma lecture :
« Cela peut paraître ridicule, mais nous offrons des prestations décès chez Google ».
De mes yeux écarquillés, j’avale l’article, salivant par cette annonce alléchante : « Google est une société qui a une solide réputation en matière de confort. Les locaux sont luxueux, confortables, des zones de jeux ainsi que des cuisines ont même été aménagées. L’ensemble est mis à disposition gratuitement. Les employés ont donc l’occasion de travailler dans de bonnes conditions comme le stipule le site Challenges. »
Challenges, combien vous a-t-il coûté cet article ? Non, je m’embrouille, combien vous a-t-on payé pour passer cet article ? Au fond cela revient au même. Business is business !
Décidément les américains ont l’art de la communication. Trop c’est trop !
Moi, j’aurais aimé savoir si les employés étaient contents de leurs salaires, si les salaires après leur décès seront indexés sur le coût de la vie, si les primes seront intégralement versées après ... Pas un mot là-dessus. Of course ! Conscience tranquille les vieilles veuves et les orphelins devenus pères de famille à leur tour (j’ose l’espérer) seront gratifiés en toute conscience. Ah ! Le sacro-saint héritage !
Mais réfléchissons autrement. Les salariés de Google seront tellement chouchoutés, tellement gâtés, qu’ils ne se suicideront pas, qu’ils ne mourront pas … iront tranquillement à la retraite, en parfaite santé. Est-ce que dans ce cas-là les salaires continueront à être versés … dix ans plus tard ?
Bizarrement ma conscience disjoncte, j’ai lâché le frein à main. Tout schuss !!!
Les petits-enfants de mes voisins crient d'un bonheur conscient en plongeant dans la piscine. Un petit garçon pleure, il veut maman et le grand-père de le consoler « viens au va au manège ». Les larmes se sont taries immédiatement. Magique le manège ! Un bruit de glaçons tintinnabule dans les verres, le pastis s’y noie. Une odeur de barbecue traverse le jardin d’en face et vient me chatouiller les narines. Mon appétit revient ! Plus loin, un bouchon de champagne explose dans les airs, un envol d’oiseaux précipité, des fous rires, des chuchotements de plaisir, des soupirs de bien-être. La VIE est là à ma portée. Le frein à main ne répond plus !