Voici l'été et son trop plein d'amour. Mais qui s'en plaindrait ? Pas les mamies. Elles en redemandent ! Elles refont les niveaux sans discontinuer.
L'été, les mamies doivent sortir toute l'artillerie ingénieuse pour occuper les petits et les grands. Les journées sont longues, élastiques et interminables. Attention, un planning avait été élaboré au moins deux mois à l'avance. D'abord les courses. Mais qu'est-ce qu'ils mangent ces petits ! Bizarre disent les parents, chez nous ils chipotent dans l'assiette, ils n'ont pas autant d'appétit nos chérubins. Et la mamie de rebondir : oui mais chez nous il y a les petits plats mijotés, les pizzas gargantuesques "maison" (le mot maison bien accentué), les fondants au chocolat, aussi fondants que le regard des mamies devant les yeux brillants de gourmandise. Ensuite les lits pliants à déplier, un doigt coincé de temps en temps, les draps à tendre, un dernier coup sur les carreaux, les salles de bains. La piscine, c'est l'oeuvre des papis. L'eau bleue doit être impeccable. On pourrait la boire, répètent-ils à l'envie chaque année. Un dernier coup d'oeil dans les skimmers. Nickel ! Il n'y a plus qu'à plonger. Tout est enfin prêt pour la grande fête.
Fini les petits-déjeuners tranquilles à deux ou pire en solitaire, fini les déjeuners devant le journal télévisé dans un silence religieux, fini les dîners légers à l'écoute de toutes les misères du monde. On ne compte plus les morts. On ne conte plus les frasques des hommes politiques. On oublie vite leurs quolibets et leurs attaques aussi grotesques que les noms d'oiseaux dont ils s'affublent les uns les autres. FINI ! Et c'est tant mieux ! On n'en pouvait plus ! En même temps, personne ne nous obligeait à regarder ... Voyeurs malgré nous ... mais c'est ainsi !
Donc, nous voilà tous réunis en ce fabuleux moment estival. Tout le monde parle en même temps, c'est la foire d'empoigne pour arriver à choper une cacahuète ou une chips dont les jolis saladiers en faïence jaune canari enjolivés d'olives noires, (toutes les mamies en Provence les exhibent pour l'occasion, sur une nappe assortie), se vident à une vitesse impressionnante. Un verre est renversé, pas grave. Un enfant se lève, pipi. Un père hurle, quelle mouche le pique ? mais non c'est un moustique. Un méchant celui-là. Comme s'il y avait des gentils moustiques ! Vite le produit qui tue, non qui pue, la lotion miracle qu'on badigeonne sur les bras et les jambes. Un grand pousse un petit dans la piscine qui déborde des éclats de rire de tous. Les serviettes, les bouées, les crèmes solaires trainent partout. La petite a retiré ses airbags, elle va se noyer c'est sûr. Mamie est partout, veille au grain. Tout le monde s'en moque. L'année au travail a été dure, les patrons impossibles refusant les augmentations, les chefs de service ingrats ne mesurant pas le travail fourni, alors qu'eux n'en foutent pas une rame. Tu as dit un gros mot papa. Oui mais on est en vacances, on s'éclate en toute nonchalance. Tout est permis. Comprenne qui veut ! Pas les petits !
Le pire c'est lorsqu'un "môme" vient dire à sa mamie : je m'ennuie. Le mieux c'est quand le même "môme" dit, toujours à sa mamie, - parce que les parents sont occupés à lire, au tennis, au golf... au téléphone, le mobile greffé dans l'oreille - on fait un gâteau. Mamie adore ça. Faire un gâteau au chocolat qu'on dégustera avec une boule de glace à la vanille, (qu'on n'ira pas jusqu'à la faire maison, faut pas pousser mémère dans les orties) et un coulis de framboises. Toutefois, les framboises cueillies dans le fond du jardin, cuites, moulinées, pressées, filtrées. Voilà ça occupe et c'est meilleur, tandis que les glaces on ne les réussit pas toujours ! Une mamie doit assurer.
À une heure bien avancée de la soirée, Les mamies regagnent leur lit, exténuées, comptant les jours qui les séparent ... du départ. Et tous les ans en septembre, quand elles reprennent leurs activités, qui la peinture, qui l'écriture, qui l'anglais, l'italien, l'espagnol, répèteront avec un grand sourire : on est content de les voir arriver et encore plus content de les voir repartir. Il ne faut pas les croire. Elles comptent déjà les jours qui les séparent ... des prochaines vacances scolaires. Dans six semaines. Les Mamies chocolat seront prêtes.
Petit mot d'enfant lisant un menu de restaurant : dis mamie, les pâtes fraiches sont des pâtes glacées?